Angleterre, fin du XXe siècle. Parce qu’il ne trouve aucuneraison de refuser la proposition, le narrateur devient auxiliaire de nuit dansun hôpital psychiatrique. Veuf, il habite un bungalow avec jardin près de lamer, ses enfants passent à l’occasion des vacances. À l’hôpital, il rencontreune patiente, Clare ; ils se parlent. St Margaret’sRoad est un roman d’atmosphère, l’ambiance est anglaise : l’attention au petitjardin, à la proximité de la mer, aux aurores brumeuses, aux promenades le longde la côte, à la lenteur des jours. L’écriture de Derek Munn a le pouvoir detransmettre les sensations, les odeurs, les matières, l’épaisseur de l’air, lesbruits furtifs que font les voisins. La lumière changeante colore la nature etles lieux, ses variations indiquent le passage du temps. Dès les premières pages, le lecteur pénètre dans une ambiance étrange, oùce qui a lieu est à la fois très ordinaire mais parfaitement déroutant.L’apparition de Clare dans l’hôpital, « folle » fantomatique pourtant trèsincarnée, le dialogue qu’elle provoque avec le narrateur pendant des instants àla limite de l’interdit, font du lecteur un témoin qui guette le moment où toutva basculer. Alors même que le narrateur affecté par la disparition de sa femmes’immerge dans des souvenirs que font ressurgir des images : un tableau, desphotographies, la tension reste constante, tient en alerte. Le roman alterne le récit du narrateur sur cette période de sa vie, ledeuil, son amour pour sa femme, la région où ils se sont installés, sesrelations aux enfants, aux petits-enfants, et les dialogues avec Clare dans lanuit de l’hôpital. Ils parlent de leur vie, de l’incommunicabilité des êtresau-delà des apparences. La question de la folie, de ce que ce mot recouvre, dece qu’il porte comme violence dans la relégation infligée aux malades, estabordée avec profondeur et finesse. St. Magaret’s Roadest le nom de la rue où Clare a habité avec des compagnons énigmatiques que lenarrateur rencontre. Clare va bouleverser sa vie d’une manière imprévisible quivient clore le récit sans le fermer : un gouffre s’ouvre, sans réponse pour ledépasser, mais sur un choix qui reste à faire. Romantrès visuel, St Margaret’s Road se déroule dans un clair obscur où la vérité estsans cesse à questionner. La langue est poétique et limpide, la narrationpoignante jusque dans les descriptions des instants minuscules de l’existence.On en sort bouleversé par les tragédies intimes qui se révèlent et aussitôtreplongent dans ce qu’il faut dissimuler pour que la vie, encore un peu, soitpossible.