Film unique, Sierra de Teruel rejaillit comme un cri – celui d’un homme qu’onétrangle dans son cachot. Aurait-il eu le temps de dessiner sur ses murs sombres,avec la craie abandonnée par son devancier maintenant fusillé, de raconter cequ’il a vu, vécu ou recueilli d’autres combattants qui comme lui se cabrent, maisc’en est trop pour ceux qui le surveillent, qu’il eût imaginé les formes surtendueset démanchées de l’unique film d’André Malraux. Inachevé, affligé, concassé parl’Histoire. Délaissé. Âpre. Affecté d’une profonde mélancolie.L’auteur de L’Espoir (1937) bat en retraite quand les troupes franquistes entrentdans Barcelone (janvier 1939) où il arrachait ses prises de vues aux bras d’undestin qui l’engloutit et qu’il repoussait de toutes ses forces.Sierra de Teruel rassemble des « éboulis » entremêlés, vrais ou imaginaires, d’avantune narration possible. Or impossible.Sierra de Teruel, plus secrètement, mémorise l’orientation de Malraux frappant d’autres monnaies, plus absolues. La créationartistique. Voix du silence.