L'enfant doit se coucher mais il a peur du noir. Il retarde le moment où la lumières'éteindra, dévorée par la nuit. Les ténèbres l'aveugleront bientôt. « Encore unehistoire ! » quémande-t-il à ses parents lassés de relire encore et toujours lemême conte dont les pages poisseuses commencent à se déchirer. Les adultes ontoublié qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort.Le cinéma a cherché, dès l'entrée en gare de La Ciotat dans le train des frèresLumière, à reproduire et conserver le mouvement du monde. Pourtant, les corpsendormis traversent silencieusement les films, l'histoire et les histoires du cinéma :chez Méliès, Vigo, Cocteau, se glissent des dormeurs hallucinés, des insomniaquesrévoltés, des poète somnambules. Par conséquent, pourquoi filmer des dormeurs? Pourquoi le cinéma a-t-il besoin de se confronter sans cesse à l'immobilitédu sommeil de ses personnages ?Faisons une hypothèse : et si le sommeil était le flot souterrain dans lequel se revitalisaitsans cesse le cinéma ? Les compromis que nous inventons, enfant, pouréloigner les monstres dévorants ne disparaissent pas avec les années et le cinémaen serait la trace. Les adultes font semblant d'avoir oublié les dangers du sommeil,mais la lutte vitale que livre le cinéma aux monstres de l'enfance est là pour lesleur rappeler