La certitude de sa fin intensifie « divinement » la vie. Elle stimule les audacesdes jeunes gens, rend de l'énergie aux vieillards, réactive comme un feu plusintense les regards de bonté que nous recevons de ceux qui sont passés de l'autrecôté. Ils n'ont plus besoin de haïr. Ajoutons à cela les présences distinctes deshéros de nos lectures. Nos censeurs, nos maîtres, nos secrets les plus chers.Légendes. Musiques. Images. Exploits. – Quelques livres. Toutes figures dont ilnous aura été donné de recevoir force et réconfort. La traîne des œuvres de nosarts peut être regardée comme la trace en nous d'une vie persistante, vérifiablepar chacun, de ce qui, une fois, aura eu existence pleine, valeur. Leur éternelretour donne contrepartie à la déréliction des endeuillés.[...]La douleur aura ouvert en nous des espaces dont nous n'aurions jamais pousséles portes sans elle, tellement nous les aurions craints. Il n'est jusqu'à l'hostilité,la morgue, l'ignorance auxquels nous nous serions parfois heurtés qui ne nousaient appris à connaître, offert des appuis pour nous défendre de leurs maléfices.Le mal, la souffrance, la solitude même ont du prix, et grand rôle à jouer dansl'épreuve. Aurions-nous connu, une fois, la grandeur hors tout sens de ce qui est,sans manquer à la joie de son accueil sans condition, nous aurait été donnée lagrâce d'échapper, une fois, à la misère des jours.