Polygraphe dont les ouvrages, souvent oubliés, embrassent la grammaire et la lexicologie, la biographie et l'esthétique, la polémique et la religion, le P. Bouhours (1628-1703, entré dans la Compagnie de Jésus en 1644) demeure en retrait du renouveau des études dix-septiémistes. Ses Entretiens d'Ariste et d'Eugène, bien qu'ils aient connu plus de vingt éditions de 1671 au milieu du XVIIIe siècle, n'ont jamais reçu de la critique le regard attentif que leur méritaient leur forme, leur contenu et leur statut. Il fallait donc, pour restituer à cette gravure son grain originel, à la fois retrouver le considérable substrat livresque sur lequel repose l'insolite éventail des sujets (La Mer, La Langue française, Le secret, Le bel-esprit, Le je ne sais quoi, Les devises) et mettre en évidence tout l'appareil conceptuel qu'il orchestre autour des notions de naturel, de grâce, de gaieté, de badinage dans le cadre privilégié d'une conversation mondaine, selon le modèle élaboré et mis en œuvre par Guez de Balzac, le chevalier de Méré, Madeleine de Scudéry. Tout nourris de culture ancienne et de culture contemporaine, à la dimension de l'Europe profondément ancrés dans la rhétorique et l'esthétique du XVIIe siècle, ces Entretiens, en communauté d'inspiration avec Les Amours de Psyché et de Cupidon (1669) de La Fontaine, sont un des textes les plus représentatifs et à plusieurs égards fondateurs du classicisme de 1660.