Le poisson et l’ingénieur

Figure importante de la biologie française du début du XXe siècle, Frédéric Houssay (1860-1920) s’inscrit dans le cadre de pensée du néolamarckisme qui prévaut alors en France. Comme ses contemporains néolamarckiens, Houssay cherche à fonder une approche expérimentale du transformisme capable de mettre en évidence les déterminismes de la variation des êtres vivants au cours de l’évolution. Au sein de ce courant, l’originalité de son projet scientifique tient principalement à la tournure physicaliste et mécaniste de son approche qui mérite un regain d’intérêt. Convaincu de la possibilité d’expliquer la morphogenèse des formes vivantes à partir de déterminismes physiques simples, Houssay construit, au cours de sa carrière, un cadre théorique pour sa «zoologie mécanique» dont l’objectif est de réduire les causes de l’évolution aux paramètres physiques du milieu. Cette approche physicaliste culmine avec son projet expérimental d’une «morphologie dynamique» qui doit mettre en évidence le modelage de la forme des poissons par les contraintes hydrodynamiques du milieu réduit à sa dimension mécanique. Personnage éclectique, Houssay nous offre à la fois une plongée dans les débats structurants de la morphologie de la fin du XIXe siècle, une fenêtre sur les problématiques du néolamarckisme français et une perspective sur les approches physicalistes des formes vivantes au début du XXe siècle. Si les travaux de Houssay ont largement été occultés par l’avènement de la génétique et de la biologie moléculaire, ils n’en sont pas moins reconnus par d’éminents contemporains à l’image de D’Arcy Thompson et susciteront l’intérêt critique de philosophes comme Georges Canguilhem.