VAUJANY, LATERRE SOUS LA NEIGE

« Le vent la met colère. Un vent bien de face, qui lui fouette la figure, plaque sa jupe sur ses cuisses, la freine dans sa descente. D’une main, elle cramponne la bride du mulet, et de l’autre, elle cherche à maintenir le bord de son grand chapeau de paille, mais rien à faire, les rafales jouent à le soulever tout droit sur sa tête. Pendant les deux heures que doivent durer son voyage, elle va cuire sous le soleil d’août, son visage prendra cette teinte qu’elle déteste, entre le brun et le bordeaux, qui signe sa condition de fille de la terre, burinée aux travaux des champs, brûlée aux charrois quotidiens du foin. Dire qu’on va être au 15, que ce jour-là, on ne lui demandera pas de travailler, qu’elle pourra aller promener au village ou sur les chemins, et qu’elle Le croisera sans doute ! Oh ! Comme elle aimerait avoir la peau claire des dames de la ville, peut-être qu’alors il ferait un peu plus attention à elle ! Surtout que le corsage, le beau corsage mauve acheté par la maman à l’oncle Johanès quand il est rentré en avril et qu’elle n’a pas encore eu le droit d’étrenner, lui va tellement bien ! »