De raisonnables désaccords

« La base de ma philosophie politique est une épistémologie qui accorde un rôle décisif au point de vue de l’individu. Nos croyances se formant à la lumière de l’expérience, leur justification, quand elle est nécessaire, ne peut se faire qu'à l’intérieur de notre propre perspective, en fonction d’autres croyances déjà en place qui ne sont pas mises en doute dans le contexte donné. Il est donc normal que des gens même raisonnables se trouvent souvent en désaccord sur des questions comme celles de la définition du bien. Or, si le désaccord raisonnable sur la nature du bien constitue l’une des données permanentes de la vie sociale, il s’ensuit que le respect de l’individu, c’est-à-dire de la façon qu'il a d’exercer sa propre raison, exclut de fonder l’association politique, dont les lois sont nécessairement coercitives, sur de telles notions controversées. Il faut plutôt la fonder sur des principes neutres à cet égard, qui garantissent à chaque individu le droit de vivre selon sa propre perspective pourvu qu’il reconnaisse le droit de tous les autres à faire de même. Voilà le noyau de ce que j'appelle le libéralisme politique. »