« Je suis spectatrice, silencieuse, du séisme brutal qui me percute de l’intérieur sans aucune douleur, sans que je puisse intervenir. Je suis spectatrice de ce glissement, de cette faille sismique qui me sépare de moi-même et qui emporte avec elle une partie de moi de manière définitive. Le plus dur, c’était de se dire que, dorénavant, plus rien ne serait comme avant. Avant ? Avant, c’était il y a quelques heures. J’avais la sensation d’avoir été bousculée dans une autre vie, une autre histoire, une histoire où je suis spectatrice, où tout m’échappe. Je ressens le vide vertigineux de cette faille et j’ai très peur. Je me rappelle faire des pieds et des mains pour faire marche arrière, revenir sur mes pas et serrer fort mes souvenirs, mes souvenirs de cette dernière journée, regarder mon visage insouciant, me serrer fort les bras une dernière fois avant l’apocalypse, mais la porte s’était déjà refermée et scellée avant que je ne m’approche d’elle. Alors je pleure, silencieuse, devant mon propre deuil intérieur. »À dix-sept ans, Estelle a survécu à l’indicible. On l’a dépossédée de sa voix, mais elle l’a reconquise, mot après mot. Avec J’ai perdu des plumes mais pas mes ailes, son premier roman, elle livre un témoignage déchirant, une parole retrouvée, une voix qui refuse désormais de se taire. Écrire est devenu son refuge, l’espace où elle reprend enfin possession de son histoire et de son existence.
