ou les rêves de la Shoah
Que nous apprennent les rêves sur la Shoah??Ce livre part du constat de leur omniprésence dans la littérature concentrationnaire et en interroge le sens et les formes. Car, si raconter un rêve, c’est toujours parler de ce qui est au-delà du langage, la tentative de raconter la Shoah en fournit sans doute la plus terrible illustration.Dans ses expressions documentaires (Beradt, Szittya, Cayrol), autobiographiques (Antelme, Levi, Delbo, Wiesel, Semprun), dramatiques (Fritsch, Eich) ou romanesques (Bachmann, Langfus, Foer), le rêve parle toujours un langage singulier. En comparer les récits permet néanmoins de dégager de nombreux croisements, témoignant alors d’expériences oniriques collectives. Les évasions sont rêvées jusqu’à leur échec?; en rêve, les détenus savent déjà qu’à leur retour ils ne seront pas entendus, et lorsqu’ils ont survécu, c’est des morts qui les visitent la nuit — quand ils ne se vivent pas eux-mêmes comme le rêve des défunts. De fait, se réveiller dans un camp, c’est plonger dans un cauchemar éveillé?; et s’endormir après la libération, c’est risquer chaque nuit d’y être renvoyé.S’ils attachent donc les survivants ainsi que de nombreux descendants de victimes à la répétition sans fin du traumatisme, les rêves ouvrent toutefois, de manière paradoxale, une voie étroite et précaire pour penser la réparation de l’irréparable.