Nous vivons dans une époque marquée par l'émergence de nouvelles formes de pouvoir, d'origine économique, qui pèsent de plus en plus lourd sur nos vies et dans nos sociétés. La montée en puissance des multinationales en est la mani-festation la plus éclatante. Leur essor est lié à divers facteurs, parmi lesquels la financiarisation et la globalisation de l'économie, les mutations technologiques, l'hégémonie de la vision du monde néolibérale, et l'affaiblissement relatif des États (ou du moins de certaines de leurs missions). En démocratie, tout pouvoir a besoin de contre-pouvoirs. Or ceux qui pourraient potentiellement contre-balancer la puissance des grandes entreprises globales - syndicats, autorités publiques, société civile - paraissent souvent sur la défensive. Ensuite et surtout, parce que les multinationales fondent leur pouvoir vis-à-vis de nombreux acteurs sur une certaine asymétrie de l'information, qui leur assure la maîtrise du jeu. Et donc parce que diffuser une information indépendante et alternative permet à tous ceux qui ont un pouvoir de décision réel qui peut affecter les entreprises - pouvoirs publics, investisseurs, communautés d'implantation, mais aussi travailleurs et cadres au sein même des entreprises - d'utiliser ce pouvoir à meilleur escient, d'influer sur les pratiques, et, le cas échéant, de ne pas accepter ce qui est inacceptable. Au final, peut-être, l'information la plus utile que l'on puisse produire sur les multinationales est l'information sur les alternatives aux multinationales : celle qui montre qu'il est possible de faire autrement, et sans elles.