L’appareil photographique a été conçu pourproduire une image conforme aux normes figuratives issues de la Renaissance. Cette hérédité culturelle le rend en principe inapproprié à l’Art Brut, ce « déchaînement d’ingéniosité et d’innovation » qui fait dérailler les normes esthétiques, selon Jean Dubuffet. Cependant, les « photographes bruts » ont pour particularité de rater leurs clichés chacunà sa manière – et c’est un ratage réussi, qui meten évidence le fonctionnement de ce formatageculturel de nos images et, consécutivement, de notre perception. Ainsi l’« effet de réel », prioritairement imputable à la photographie, peut-il être perturbé par la folie, la maladresse, la perversion, la superstition, la cécité même. Telle est la contre perspective adoptée dans cet ouvrage sur une créativité séculaire, mais généralement anonyme, modeste, si ce n’est clandestine, récemment mise au jour en études photographiques.