Une vulgate ancienne, mais constamment réactualiséejusqu’à nos jours, voudrait imposer l’idée délétèreselon laquelle l’étude de l’histoire devrait avoir pourobjectif de faire aimer la nation.« Histrions de la cour du prince et éditorialistes de gouvernement s’entendentpour fustiger les universitaires étrangers à la mission patriotique et déconnectésde la réalité sociale (et dont les plus heureux vendent péniblement leurs livres àquelques centaines d’exemplaires). Cette dernière critique, du moins, n’est pasfausse. Beaucoup d’historiens, plus assidus à faire fructifier leurs carrièresacadémiques qu’à diffuser le produit de leurs recherches, n’ont en effet jamaisvraiment pris la mesure de leur fonction sociale. Mais contrairement à ce queracontent les chiens de garde du roman national, celle-ci n’est pasnécessairement d’appuyer les manoeuvres politiques les plus réactionnaires.La recherche historique n’a jamais cessé d’être créative, inventive et parfoisengagée. C’est en référence à ce potentiel que nous voulons réhabiliter le conceptd’“émancipation”, galvaudé jusque dans les discours des politiques “en marche”.Que serait une histoire émancipatrice ? Ce petit livre rappelle ce quel’émancipation signifie et plaide pour que la discipline historique y prenne sa part.Il faut regagner du terrain sur ceux qui confondent histoire et propagandehaineuse, histoire et courrier du coeur. Replacer l’histoire dans la lutte contre lesdominations et se débarrasser du fatalisme qui nourrit l’ordre dominant. »