Ô compagnon de ma vie, ô partenaire de mes jours, ton puits fut plus obscur encore que celui de Joseph. Tu y as enfermé l’âme d’une femme le plus longtemps possible. Quand ton cœur devint plus dur que le bois, alors que le bois de la nature se laisse sculpter par les doigts, le tien ressemblait aux plus impitoyables de tes planches. Tu es devenu le Pharaon de ma féminité, lorsque tu m’as introduite dans les couloirs obscurs de tes palais. Quant aux histoires d’amour avortées dont tu te glorifies, elles ne me touchent plus. Malgré toi, bien que tu ne puisses jamais me rendre les années stériles que tu as volées à ma vie, mon cœur a su conserver ses épis pour refleurir encore. Les justes, les nobles et les libres du monde combattent pour la liberté : moi aussi, je lutterai, mais pour l’amour. Je brandirai l’étendard rose, et je ferai résonner les tambours de sa victoire. Sais-tu pourquoi ? Parce que je ne suis plus cette enfant qui tremblait devant son propre cœur. Mon âme a quitté tes demeures. Cette petite recluse dans sa prison intérieure a grandi. Ton chemin d’épines m’a appris à grandir, à crier, à lever les armes, à mener les batailles pour ne pas mourir, moi qui étais plus petite qu’un nain, condamné à ne jamais grandir
